
Hier, j’ai profité de ma pause déjeuner pour aller faire
quelques emplettes vestimentaires. Un an après avoir repris le travail à la
suite de mon deuxième congé maternité, j’ai enfin retrouvé une taille de « presque
guêpe » et mes pantalons étant ceux que j’avais acheté un mois après avoir
vêlé, ils me faisaient depuis plusieurs semaines un peu ressembler à… rien, en
fait.
En arpentant les rayons à la recherche de quelques pantalons
et jeans sympas, ma petite virée shopping s’est rapidement transformée en
parcours du combattant.
La raison ? Pas du tout un problème de taille (bande de mauvaises langues!!). Non, LA raison : une ribambelle de pantalons en inadéquation totale avec le milieu professionnel dans lequel j’évolue. Des trop moulants, des transparents, d’autres trop sportswear…Plus je cherchais, moins je trouvais. Je me suis vite aperçue que je n’étais pas en train de les choisir selon mes propres goûts ni même le fait que je me sentais bien dedans, mais que mon choix était dicté par l’idée que les collaborateurs
de l’entreprise se feraient de moi en me voyant vêtue de la sorte. La règle à suivre ? Ne pas choquer, ne pas attirer l’œil, en d’autres termes rentrer dans le moule. Et là, je me suis rendue
compte qu’il y avait un truc qui n’allait pas…et pour cause : je n’étais jamais rentrée dans un moule et ce n’était pas maintenant que ça allait commencer !
En continuant alors mes recherches entre les portants, m’est venue une interrogation assez simple : pourquoi est-on obligé, pour exercer bons nombres d’emplois en France, d’avoir une tenue vestimentaire particulière ? Attention, je ne parle évidemment pas de vêtements de travail ayant une réelle utilité comme par exemple une combinaison de protection contre les risques chimiques ou une cotte de travail. Non, non. Je veux parler de ces tenues vestimentaires imposées par la société sans trop savoir pourquoi. Pourquoi les hommes doivent-ils pour la plupart aller travailler en costard cravate et les femmes en tailleur et chaussures à talons ? Qu’est-ce qui fait qu’il est si important de respecter cette règle instaurée par je ne sais qui et qui empoisonne la vie de bon nombre de personnes en ce bas monde ? Est-ce que réellement, lorsque je mets un jean, mes neurones disparaissent et je deviens totalement incompétente ?
Cas concret : le mien (oui, je suis un cas, parfois).
Assistante de Direction d’une filiale d’un grand Groupe français coté en Bourse. Un Groupe aux principes dans l’ensemble bien franchouillards. J’y assiste le Directeur des Opérations, membre du Comité de Direction. De ce fait, je devrais (je ne peux indéniablement pas utiliser le présent pour vous parler de cela ; ceux qui me connaissent bien et me croisent tous les jours pourront vous le confirmer) me présenter à mon travail vêtue en tailleur tout droit sorti du pressing et chaussures à talons
parfaitement cirées. Maquillage soutenu mais discret et cheveux bien coiffés. L’assistante de Direction représente…la Direction. Rien que ça. Waouuuuu ça en jette grave.
Je pourrais être amenée à rencontrer des clients importants. Ou bien des Directeurs d’autres filiales. Voire même le PDG. Je dois donc être au top.
Ok, mais alors dans les faits :
- Je ne rencontre aucun client, ou du moins les clients ne viennent pas à nous, c’est nous qui venons à eux. Lorsque cela se présente (deux fois par an en moyenne), effectivement je fais
attention à être habillée correctement. Ni aguicheuse, ni mémère, la nana au top de la forme, souriante, fraîche et apprêtée (c’est tout moi ça).
- Les Directeurs des autres filiales ne viennent jamais dans la nôtre. Chacun sa filiale quoi, faut pas déconner.
- Enfin, pour ce qui est du PDG… il a sûrement connaissance de notre existence, mais je ne pense pas que nous fassions partie de quelque manière que ce soit, de ses priorités ni même de ses plus profondes réflexions.
Mes journées à moi, elles se déroulent à 90% dans mon petit bureau de 5 m², devant mon PC. Je tape des courriers, je réponds à des mails, et je saisis des dizaines de factures. Je contrôle des comptes, je réserve des voyages, je paramètre des ordinateurs et je passe des coups de fil. Mon plus fidèle collègue est mon ordinateur et il se moque bien de la façon dont je suis vêtue. Il n’est pas plus rapide ou plus lent selon ma tenue, il fait ce que je lui demande (parfois seulement quand il en a envie, ok, mais le pauvre à son âge ce n’est pas simple et puis il est un peu surmené, il faut le reconnaître la surcharge de travail affecte aussi le matériel). Compte tenu de cela, pourquoi serais-je obligée de me déguiser pour aller travailler ? Franchement, si j’avais voulu cela, j’aurais pris des cours de gym intensifs pour intégrer le cirque du soleil.
Voyez-vous, moi j’ai deux types de réveil, qui dépendent des jours et surtout de l’état dans lequel je me sens. J’ai l’humeur tailleur, mais le plus souvent l’humeur tailleur de costard. Et plus je cause tard, plus j’hume l’heure où il faudra que je me taille ailleurs…
Franchement, ne trouvez-vous pas ça épuisant de bon matin de devoir vous demander comment vous allez vous habiller pour aller bosser ? Quelle femme n’a pas au moins une fois par semaine la mauvaise surprise de constater, après avoir passé 5 minutes à chercher quel haut elle veut mettre, que le seul pantalon qui va vraiment bien avec est dans le panier de linge
sale ?
Pour vous messieurs, n’avez-vous jamais été confronté à la chemise qui n’est pas repassée mais qui est la seule qui va avec le costume que vous avez enfilé ? Cela ne vous est-il jamais arrivé en mettant LA cravate qui va avec votre chemise qui va elle-même avec votre costume de vous apercevoir qu’il y avait dessus LA tache. Oui, oui : LA tache sur LA cravate de LA chemise
DU costard… vous voyez bien là de quoi je veux parler… ?
Il serait tellement plus simple de faire fi de ces codes vestimentaires chronophages et de laisser libre cours à nos envies…
Personnellement, je pense que mon cerveau fonctionne de la même manière que je sois en jean ou en jupe, que je sois maquillée ou au naturel. Je dirais même que je suis plus performante lorsque je me suis préparée à MA façon le matin. Parce que du coup je n’ai pas commencé ma journée en m’énervant sur mon placard, en me posant des questions sans fin du type « et si mes collants filent, est-ce que j’en ai de rechange dans mon tiroir de bureau ? Merdeeeeee je m’en rappelle plus… Vaudrait peut-être
mieux que je mette un pantalon… Ah ouais mais alors celui-là il va bien avec ma paire de chaussures à talons bleus, mais les talons ils font clic clic quand je marche, je devais les emmener chez le cordonnier mais je n’ai pas eu le temps… » (et alors là j’imagine Pierre Palmade apparaissant à côté de moi pour me demander : « Tu préfères : passer ta journée avec un collant filé, à observer tous les quarts d’heure l’évolution de la maille qui se fait la malle et à raser les murs en mode lézard sur la muraille pour te rendre aux toilettes, ou bien tu préfères passer ta journée avec une paire de godasses qui claquent à tel point que toutes les personnes qui passeront à côté de toi crieront « Olé » en pensant croiser une danseuse de flamenco en plein gala » ?)
Non, moi je commence ma journée sans ces interrogations suicidaires. Et je m’en porte très très bien. Mes collègues sont habitués à me voir habillée à ma façon. Moi le « friday wear » ou le « casual day », appelez-le comme vous voulez, il n’a pas de jour prédéfini chez moi. Si j’ai envie de mettre un jean dès le lundi, je le fais. Et si j’ai envie d’être hyper classe le vendredi, c’est pareil je n’écoute que mon envie à moi. Je me maquille si j’ai le temps et surtout si j’en ai envie. Je me contrefiche
des qu’en dira-t-on.
Mon chef peut bien penser que j’ai une sale tronche, je m’en moque. Il me semble qu’il me paie pour effectuer au mieux mes tâches administratives, pas pour côtoyer à longueur de journée l’égérie L’Oréal (même si je le vaux bien).
Quant à ceux qui font la moue lorsqu’ils me croisent dans les locaux avec mon jean slim, je le crie haut et fort ce sont des hypocrites. En tailleur ou en jean, dans les deux cas ils ne se privent pas pour mater mon postérieur au détour d’un couloir ou d’un escalier !
Ce n’est pas manquer de respect que d’être habillée comme je le suis. Sérieusement, ceux qui sont en costume mal coupé, avec les manches bien trop longues et les pantalons feu de plancher sont tout aussi irrespectueux !
Quant aux dirigeants de notre entreprise…et bien je les trouve bien plus agréables à regarder lorsqu’ils sont en tenue décontractée que lorsqu’ils sont avec leurs cravates bien nouées et leurs costumes satinés et ça ne m’empêche pas de prendre au sérieux ce qu’ils me disent lorsqu’ils s’adressent à moi. Je n’ai pas pour autant envie de leur taper dans le dos en leur disant « salut mon pote ça baigne ? ». La hiérarchie est là et ne disparaît pas comme ça.
Forte de mes convictions, je suis passée en cabine, puis à la caisse. Je suis sortie du magasin, mon trophée à la main. Et finalement, l’essentiel était bien là : j’étais moi. Et ça, c’était très
bien comme ça !
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sabine (vendredi, 27 novembre 2015 21:09)
Eh c'est bien décrit, l'habit ne fait pas le moine!